En Juillet 2013, la Commission européenne a adopté des lignes directrices annonçant que l’UE ne financera plus les entités israéliennes situées dans les territoires palestiniens occupés. Quelques années plus tôt, la Cour européenne de justice a précisé que les produits des colonies n’ouvraient pas droit au traitement préférentiel en vertu de l’Accord d’association UE-Israël.
Cependant, ces produits des colonies continuent souvent à être vendus sous le label « Made in Israël". C’est pourquoi l’UE est en train de finaliser des lignes directrices pour préciser que selon la législation européenne de protection des consommateurs les détaillants doivent préciser l’origine exacte des produits importés des colonies israéliennes. Une formule envisagée consisterait à les étiqueter comme "produits des colonies israéliennes (Cisjordanie / Jérusalem-Est / Plateau du Golan)".
La Commission européenne prépare également un document pour informer les entreprises sur les possibles conséquences juridiques du fait de faire des affaires avec des entités israéliennes situées dans les territoires.
L’Union européenne a fait savoir qu’elle n’a pas l’intention de publier ces deux documents tant que les discussions entre Israël et les Palestiniens se poursuivent, pour ne pas les gêner. Cette explication ne donne pas satisfaction puisque les textes ne font que mettre en pratique les obligations légales de l’UE à l’égard de ses propres citoyens, qu’ils soient consommateurs ou entrepreneurs.
Cette semaine, le 27 février, un rapport juridique sera présenté à Bruxelles concluant que, en effet, le droit international oblige l’UE à prendre des mesures supplémentaires - il faut interdire toutes les importations dans l’UE de colonies. Le rapport est parrainé par le Centre National de Coopération au Développement ( CNCD- 11.11.11 ), une organisation belge de coordination entre les ONG et les syndicats , et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH ) . Le rapport servira de base à la campagne de ces organisations pour exiger la cessation totale des importations dans l’UE de produits des colonies. Son auteur, François Dubuisson, enseigne le droit international à l’Université Libre de Bruxelles.
En avant-propos , John Dugard, ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et professeur de droit international, souligne la pertinence de l’analyse de Dubuisson , expliquant que le rapport "arrive à un moment important car il y a de la confusion parmi les États de l’UE sur leurs obligations à ce sujet . Dubuisson indique clairement que les colonies sont illégales au regard du droit international et que les États sont tenus de ne pas aider l’entreprise de colonisation en commerçant avec des colonies ou en autorisant la vente de leurs produits dans les pays de l’UE" .
Le rapport décrit les nombreuses violations du droit international causées par la politique de colonisation d’Israël. Il explique pourquoi l’UE ne doit pas simplement émettre des condamnations formelles , comme elle l’a fait dans le passé , mais prendre des mesures concrètes pour faire en sorte qu’Israël respecte ses obligations, pouvant être résumées comme suit :
– Tout d’abord , l’article 49 , paragraphe 6 , de la quatrième Convention de La Haye (qu’Israël a ratifié) interdit à une puissance occupante comme Israël de transférer une partie de sa population civile dans le territoire qu’elle occupe ; en d’autres termes, il interdit la création de colonies de peuplement en Palestine ;
– Deuxièmement, l’article 1 de la même convention oblige l’UE non seulement « à respecter » mais aussi « de s’assurer du respect " de ses clauses ;
– Enfin, le droit international coutumier impose à tous les membres de la communauté internationale, dont l’UE , de ne pas reconnaître comme licite ou de prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par une violation grave d’une norme impérative du droit international .
Le fait d’autoriser des relations économiques avec les colonies israéliennes et d’importer leurs produits dans l’Union européenne contribue à leur prospérité et contribue à leur développement, en opposition avec les principes du droit international décrits précédemment.
Basé sur une analyse approfondie de ces principes et un examen exhaustif des récentes évolutions, dans les États membres de l’UE et ailleurs, montrant une prise de conscience de l’illégalité de la colonisation, Dubuisson montre de façon convaincante que l’UE doit prendre d’une manière volontariste des mesures concrètes pour mettre fin aux relations d’affaires avec des entreprises établies dans les colonies et interdire les importations de produits des colonies. Ces mesures ne constituent pas un boycott d’Israël, mais concernent exclusivement la politique de colonisation d’Israël et ses conséquences.
En préconisant un rôle plus actif de l’UE en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, le texte de Dubuisson apporte une contribution importante au débat en cours sur la définition de ce que devrait être ce rôle. Il constitue également un outil de référence inestimable pour tous ceux qui s’efforcent de trouver une solution juste au conflit et envoie un message clair aux décideurs politiques de l’UE quant à l’approche qu’il convient d’adopter.
Willem Aldershoff a occupé différents postes dans les départements de relations internationales, de la justice et des affaires intérieures à la Commission européenne ; il est maintenant conseiller indépendant sur la politique de l’UE concernat Israël et la Palestine , Bruxelles .
Michel Waelbroeck , auparavant professeur invité à la faculté de droit de l’Université de New York et de l’Université du Michigan , de l’Institut universitaire européen de Florence et l’Université de Columbia , est professeur émérite de droit européen à l’ Université Libre de Bruxelles.
Traduit par C.B.