Depuis le début de la seconde Intifada en septembre 2000, les Forces d’Occupation Israéliennes ont arrêté plus de 9 000 enfants palestiniens sous le coup d’ordres militaires qui sont une violation du droit humanitaire international (DHI) et du droit international des droits de l’homme (DIDH).
Addameer a suivi les cas des enfants devant les Tribunaux Militaires d’Ofer et de Salem et a mis en évidence une tendance à une politique systématique de détention des enfants qui aboutit à leur libération après une amende ou une caution exagérément élevée. Ces pratiques servent non seulement à contrôler les vies des Palestiniens mais aussi à les exploiter économiquement en épuisant les ressources de la société et en imposant des charges financières aux Palestiniens.
L’observation directe du Tribunal d’Ofer a établi que la majorité des enfants sont libérés sous caution ou par plaider-coupable. Ces enfants ont été en fin de compte libérés en raison du manque de preuve ou de validité de l’arrestation, en plus de la faiblesse des allégations et des accusations contre eux de la part de l’accusation militaire. Par exemple, les témoignages de certains des soldats de l’Occupation comprennent des constats identifiant des enfants à une distance de 200 mètres, sous laquelle il est physiquement impossible de le faire. D’autres ont été arrêtés à partir des aveux forcés des enfants, recueillis sous la pression et sous la torture.
Les enfant palestiniens sont arrêtés et poursuivis par des tribunaux militaires sans prendre en considération la protection qui doit être apportée aux enfants palestiniens selon plus de 27 conventions internationales sur les droits de l’enfant. Pendant leur arrestation et leur détention, les enfants sont placés sous interrogatoire, par l’armée et par la police, qui comprend des aspects qui équivalent à de la torture : agressions physiques, positions forcées, privation de sommeil, privation sensorielle, menaces verbales, isolement dans des cellules de deux mètres sur deux mètres, refus de la présence de parents ou d’avocats. L’on fait souvent signer par les enfants des aveux en hébreu, que souvent ils ne peuvent pas lire ; ces aveux sont ensuite utilisés contre eux devant le tribunal militaire. Cette politique est utilisée en elle-même pour empêcher les enfants de bénéficier et de disposer de leurs droits civiques, culturels et politiques.
Usage de l’exploitation économique pour imposer une pression
Le tribunal peut souvent utiliser ces aveux forcés pour faire pression sur l’avocat de la défense pour l’amener à un plaider-coupable, qui est accompagné d’une amende exagérément élevée, favorisant l’exploitation de l’enfant.
L’exploitation est aussi prouvée lors de l’arrestation arbitraire d’enfants. Tandis que les enfants sont libérés en raison de la nature arbitraire de leur arrestation et du manque de preuves, des cautions exorbitantes accompagnent leur libération. Addameer a contesté des cautions qui atteignaient 4 000 shekels (environ 800 €). Bien entendu, il n’est pas tenu compte des ressources et de la situation financière de la famille et beaucoup de familles sont dans l’impossibilité d’avoir les moyens de verser la caution.
L’imposition d’une caution aussi élevée peut être interprétée comme une punition collective à long terme mise en oeuvre contre la famille. La famille doit souvent emprunter l’argent ou prendre sur ses besoins essentiels pour pouvoir réunir la caution. Une conséquence souvent négligée est l’effet psychologique sur la famille qui vit avec un fardeau financier malgré l’innocence et l’arrestation arbitraire de l’enfant.
“J’ai emprunté à mes voisins pour payer la caution”
Les Forces d’Occupation Israéliennes ont arrêté Qusai Z. (âgé de 17 ans) de Der Abu Mish’al le 29 septembre 2013. Il a été accusé d’avoir jeté des pierres et participé à une manifestation. Après interrogatoire, il a été prouvé que l’enfant était innocent et aucune des accusations à son encontre n’a tenu devant le tribunal, et donc le juge du tribunal militaire d’Ofer a décidé de le libérer sous caution d’un montant de 2 500 shekels (environ 500 €), le 9 octobre après onze jours de détention.
La famille de Qusai souffre d’une situation financière très difficile. Sa mère a dit à Addameer : “Mon mari est mort il y a six ans, et je fais vivre moi-même mes quatre enfants, donc j’ai dû emprunter 1 000 shekels pour pouvoir payer la caution de Qusai”. Il faut ajouter que le frère aîné de Qusai a aussi été arrêté il y a trois mois.
L’exploitation financière pratiquée contre les prisonniers et les détenus palestiniens dans les prisons de l’occupant est une politique systématique imposée par l’occupant afin d’infliger une pression à la société palestinienne. La politique profite d’une situation financière d’appauvrissement et aide l’occupant à échapper à ses responsabilités financières envers les prisonniers et détenus palestiniens.
Chantage émotionnel
L’enfant Osama R. a été arrêté le 6 octobre 2013 sur le chemin de retour de l’école à la maison. Il a été accusé d’avoir jeté des pierres, un délit passible d’une peine allant jusqu’à vingt ans de prison. Le tribunal a finalement décidé de libérer Osama sous caution d’un montant de 1500 shekels (environ 300 €).
Après l’audience, le père d’Osama a déclaré : “Ce que fait l’occupant est du chantage émotionnel. La police (israélienne) m’a appelé de nombreuses fois, me disant d’aller au poste de police de la Colonie de Kiryat Arba payer la caution de mon fils, utilisant des propos tels que : “votre enfant est très jeune, c’est dommage s’il reste en prison” et “votre fils a besoin de passer les vacances de l’Aïd avec sa famille” et autres déclarations pour me faire payer la caution”.
Il a ajouté : “Nous n’accepterons pas le chantage financier et émotionnel, en dépit du fait que je fasse vivre ma famille de douze personnes et que je sois incapable de payer cette somme d’argent, je refuse de payer de force. Je refuse le chantage financier”.
Mohammad F. (âgé de 17 ans) a été enlevé de son village d’Anata le 1er mai 2012 et accusé d’avoir jeté des blocs de pierre. Tandis que son avocat pouvait en fin de compte faire un plaider-coupable, il n’a pas été libéré parce que sa famille est financièrement incapable de payer la caution. Malgré ceci on s’attend à ce qu’il reçoive une prolongation d’un mois ou un mois et demi si sa famille ne paie pas la caution.
Une stratégie nationale pour faire face à cette politique
Annuellement ces cautions et amendes exorbitants coûte aux Palestiniens entre 13 et 15 millions de shekels (2,6 à 3 millions d’€).
Le Ministère des Prisonniers a fait un pas important vers un affrontement des politiques d’exploitation économique de l’occupant en annonçant comme moyen d’obstruction au système judiciaire militaire qu’il cessera d’aider à payer les amendes. Addameer considère que cette décision est une étape nécessaire pour soutenir le mouvement des prisonniers palestiniens et son combat pour faire face aux politiques du système judiciaire militaire.
Addameer appelle à l’instauration d’une stratégie judiciaire palestinienne pour défendre les prisonniers et détenus palestiniens et protéger leurs droits qui sont garantis par le DHI et le DIDH. Addameer tient l’occupant pour responsable du fardeau financier et judiciaire qui émane de l’occupation du territoire palestinien et de sa sujétion aux ordres militaires.
Addameer appelle l’Organisation de Libération de la Palestine et toutes les factions palestiniennes à publier une étude d’ensemble sur les conséquences financières qui résultent de la dérobade de l’Occupant quant à ses responsabilités judiciaires envers les prisonniers et détenus palestiniens et du refus qui leur est opposé des droits qui sont garantis par les Troisième et Quatrième Conventions de Genève.
traduit de l’anglais par Y. Jardin, membre du GT sur les prisonniers