C’est de là que tout est parti en mai dernier : le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est. A l’origine de la colère des manifestants, l’expulsion de plusieurs familles palestiniennes décidée par la justice israélienne. En quelques jours, la tension monte et les manifestations se multiplient, avec en fond sonore un titre de rap : Inn Ann, "c’est le moment". Signé Daboor et Shabdjeed, deux rappeurs de Jérusalem, le texte témoigne du climat d’extrême tension qui règne alors dans la ville sainte. Mélange de colère et de résignation, le morceau, produit par BLTNM, un collectif underground de Ramallah adepte de l’auto-production, se répand comme une trainée de poudre via les réseaux et contribue à galvaniser les manifestants.
À chaque épisode du conflit au Proche Orient, le rap local a joué un rôle. Déjà au début des années 2000, au moment de la deuxième Intifada, les pionniers du groupe Dam, originaires de la ville mixte de Lod en Israël, mettaient des mots sur la révolte des Palestiniens et les injustices vécues par les arabes israéliens, plaçant pour la première fois le rap palestinien sur la carte mondiale du hip hop. Leur succès à l’étranger leur a permis d’exporter leur message dans les festivals de toute l’Europe.
Depuis, toute une scène a essaimé, que ce soit dans les villes mixtes d’Israël, en Cisjordanie ou à Gaza. L’imagerie du ghetto, la rébellion de la rue véhiculés par le rap trouvent un écho tout particulier chez les Palestiniens, peuple ghettoïsé. Dernier phénomène en date, ce rappeur en herbe de 12 ans, MC Abdul, qui rappe en anglais sur un instrumental d’Eminem, dans les rues de Gaza. La vidéo a été tournée peu après les bombardements qui ont dévasté au printemps l’enclave palestinienne contrôlée par le Hamas. Aucun doute : la relève est assurée.